Proxémie – Comment l'espace est utilisé dans les interactions humaines

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les échanges informels peuvent être gênants dans un ascenseur ou pourquoi vous voyez rarement plus de deux personnes partager un banc ? La réponse se trouve peut-être dans une théorie connue sous le nom de proxémie, décrite par Edward T. Hall aux États-Unis dans les années 1960. Après avoir étudié de près les interactions humaines, il a découvert que nous maintenons des distances différentes avec les personnes qui nous entourent, en fonction du degré de connaissance que nous avons d'elles et de la situation dans laquelle nous nous trouvons. L'aspect non-verbal de la communication joue un rôle clé dans nos interactions sociales.

Par Allan Hagerup

Les quatre catégories de zones sociales

Selon la théorie de la proxémie, les distances peuvent être regroupées en quatre catégories principales. On peut imaginer ces zones comme des bulles invisibles autour d'une personne, qui varient en taille en fonction de la relation entre les personnes concernées. La zone la plus proche est la distance intime, réservée aux personnes les plus proches, comme le partenaire, la famille immédiate ou les amis intimes. Dans ce cas, la distance est si faible qu'il est possible de se chuchoter des choses ou de se prendre dans les bras. La distance personnelle est utilisée pour des conversations détendues et amicales avec des amis ou lors d'un repas en famille. La distance sociale est idéale pour les conversations avec des connaissances, comme les collègues de travail. Dans ce cas, le ton est poli et professionnel, et c'est une distance naturelle pour les conversations informelles. La quatrième catégorie à définir est la distance publique, typiquement utilisée pour une communication à sens unique avec un groupe de personnes, comme un enseignant s'adressant à ses élèves dans une salle de classe.

Nous naviguons au quotidien entre ces zones et essayons de maintenir nos limites sociales, tout en évitant d'envahir celles des autres. Les exemples présentés au début de cet article illustrent ce principe. Dans un espace confiné comme un ascenseur, vous vous retrouverez inévitablement dans une zone personnelle ou intime, des zones qui sont normalement réservées aux personnes les plus proches. Dans de telles situations, il n'est pas possible d'utiliser des signaux non-verbaux, comme sortir de la zone pour mettre fin à une conversation. Cela peut entraîner des sentiments tels que le stress et l'inconfort. Sur un long banc, deux personnes qui ne se connaissent pas peuvent s'asseoir à chaque extrémité sans envahir la zone personnelle de l'autre. Si une troisième personne s'assoit entre elles, elles se retrouveront toutes les trois dans la zone personnelle de l'autre, ce qui peut être perçu comme intrusif.


Le rôle de la fonction sensoriel dans l'interaction sociale

Nos sens jouent un rôle décisif dans la manière dont nous percevons le monde qui nous entoure. La vue est le sens dominant et nous permet d'identifier les individus et de décoder le langage corporel et les mouvements à des distances pouvant aller jusqu'à une centaine de mètres. Il est vrai que nous, les humains, aimons observer les autres, mais ce n'est que lorsque la distance sociale est réduite que nous nous laissons réellement interpeller. Nous commençons à percevoir les expressions faciales à une distance d'environ 20-25 mètres. Si nous nous rapprochons encore plus, nous pouvons engager peu à peu la conversation.

Les sens tels que l'odorat et le toucher sont activés lorsque nous nous rapprochons à une distance personnelle et intime. En intégrant la proxémie dans la conception des espaces publics, nous tenons compte de l'espace personnel des gens et pas seulement des dimensions physiques. D'une manière plus perspicace, il est possible de créer des espaces sociaux variés et attrayants qui font appel aux sens et aux préférences personnelles des utilisateurs. Ces lieux donnent aux utilisateurs le sentiment de se sentir considérés, et ils perçoivent qu'il est à la fois agréable et sûr d'y avoir des relations sociales selon leurs propres préférences.

De la théorie à la pratique

Voici quelques conseils qui vous permettront certainement d'intégrer la théorie de la proxémie dans l'aménagement d'espaces extérieurs sociaux de qualité :

Donnez à chacun la possibilité de « négocier » son espace personnel avec les autres personnes qui l'entourent. Proposez des bancs ouverts et généreux qui donnent aux utilisateurs la possibilité d'ajuster la distance entre eux et, idéalement, de choisir la direction dans laquelle ils se trouvent. Le mobilier amovible peut également se révéler être une bonne alternative.

Variez les distances entre les différents éléments de mobilier. Des groupes de meubles placés à des distances variables créeront un paysage social qui peut aller de la remise en question de la zone personnelle à l'offre d'un espace suffisant pour permettre aux gens de se sentir eux-mêmes.

Évitez de limiter les possibilités d'utilisation de l'espace en prévoyant un trop grand nombre de lieux de socialisation. Choisissez des configurations de mobilier flexibles et des meubles spacieux qui peuvent être adaptés aux différentes situations sociales.

Créez un espace pour des conversations dans un coin. Décomposez une rangée de bancs en plaçant quelques bancs à un angle de 90 degrés. Cela crée des circonstances idéales pour les conversations impliquant un contact visuel.

Permettez aux gens d'observer le monde qui passe. Placez le mobilier de manière à ce qu'ils aient une vue sur l'endroit où les choses se passent, et au même niveau, afin que les gens disposent d'un lien social avec ce qui se passe autour d'eux.

Réduisez l'échelle à l'espace sensoriel. Les espaces ouverts avec de grandes distances entre les bâtiments et les personnes n'offrent que peu de possibilités à nos sens. Diminuez ces distances en incluant des éléments tels que des arbres verdoyants, de la végétation, des installations hydrauliques interactives ou de grands îlots de sièges.

Assurez-vous qu'il y a suffisamment de places assises. Des études ont révélé que les lieux publics appréciés devraient consacrer au moins 10 % de leur surface à accueillir des places assises.

Incitez les gens à flâner. En créant un environnement sensoriel et en ralentissant le rythme, il est possible de pousser les gens à explorer l'environnement urbain par le biais d'activités variées, de boutiques et de cafés au niveau de la rue, etc.

Un design orienté vers le dialogue

Mon intérêt pour la proxémie a été éveillé pendant mes études, lorsque j'ai étudié la conception de bancs pour les espaces publics urbains. J'ai constaté que les personnes assises sur les bancs restaient souvent à une longueur de bras des personnes qu'elles ne connaissaient pas. Il est apparu clairement que nos sens jouent un rôle important dans la façon dont les gens perçoivent le fait d'être assis ensemble sur un banc. On peut voir des personnes assises dos à dos sur un banc à deux côtés avec des personnes qu'elles ne connaissent pas, mais elles maintiendront toujours une distance sociale appropriée lorsqu'elles seront dans le champ de vision de l'autre.

La forme du banc influence la façon dont les gens perçoivent la distance qui les sépare de ceux qui les entourent. Sur un banc incurvé ou circulaire, une zone sociale est créée à l'intérieur de la courbe, où les gens s'assoient naturellement face à face. À l'extérieur, la courbe fait en sorte que les gens se tournent le dos et évitent tout conflit avec les zones sociales des personnes assises à côté d'eux. Le banc urbain classique, rectangulaire, représente un compromis. Les gens peuvent s'asseoir côte à côte et être à la périphérie du champ de vision de l'autre, mais ils peuvent aussi se tourner vers leur voisin et engager la conversation.

Cela m'a incité à concevoir un banc où de telles observations sur les usages sociaux constituaient le principal moteur de la conception. J'ai décidé de travailler avec une assise rectangulaire classique et d'essayer d'encourager encore plus le dialogue et l'interaction. La solution a consisté en une découpe latérale organique du siège, conçue pour favoriser une position naturelle et accueillante, permettant de se tourner sur le côté et d'encourager ainsi le dialogue. Ce design pourrait donner l'impression que des conversations ayant eu lieu entre des personnes sur une période de plusieurs années ont entraîné l'usure de certaines parties du siège. L'idée était une invitation à la fois visuelle et pragmatique à se réunir et à engager la conversation.

Le banc, baptisé DIALOG, a été fabriqué en bois massif, un matériau idéal pour les conceptions organiques et sur lequel il est agréable de s'asseoir, par temps chaud comme par temps froid. DIALOG est fabriqué par Vestre.